lundi 22 janvier 2018

Elles s'appelaient Paquerette et Brindille

Nous quittons à grands regrets la plage de Balandra, mais il faut y aller, il y a le ferry à prendre pour traverser jusqu'à l'autre Mexique: sur le continent.

Le port des ferrys n'est qu'à quelques kilomètres de la playa Balandra et nous en profitons jusqu'au dernier moment.

Nous arrivons comme prévu aux alentours de 13h30. Pas besoin de réservation, il suffit de passer à la pesée et aux mesures
et de revenir avec le petit papier prendre les billets pour embarquer. Nous sommes dans un petit camion et la traversée nous coûte une misère, aux alentours de 200€. Il aurait juste suffit de faire quelques dizaines de centimètres de plus pour s'envoler vers des prix aux alentours du triple.

Nous nous retrouvons au moment de prendre les billets avec des Allemands (avec un gros camion, comme d'hab!) et un jeune Allemand qui lui voyage en moto.
A l’accueil, on nous dit d'attendre sur le parking et de se rapprocher du bateau vers 14h30, le départ de ce dernier ayant lieu aux alentours de 17h (les exactitudes ne sont pas trop de mise au Mexique).

La perspective de ce voyage est très excitante pour nous. Nous allons embarquer pour voyager un peu plus de 16h sur le ferry tout en pouvant dormir dans notre camion. Et mis à part les Allemands cités plus haut, nous ne voyagerons qu'avec des Mexicains et partagerons avec eux le dîner et le petit déjeuner qui sont compris dans le prix de la traversée.



La camion allemand, le même que tous les autres des autres allemands
Comme nous sommes curieux, nous n'attendrons pas 14h30 pour rameuter notre museau vers l'embarcadère, juste pour aller voir comment c'est.
Et ça n'a pas été compliqué, il y avait des gars en bas de la porte d'accès qui sont venus nous voir et puisque ce n'est pas l'heure, vous n'avez qu'à monter! Ah bon? Ah ben oui d'accord!

Et nous embarquons donc à bord du San Jorge (coucou papa!). Au Mexique tout se prête au "San" quelque chose. Ça en fait des échantillons de saints truc-machin-chose!

Et nous voilà donc les premiers à grimper par la rampe sur le pont du ferry. Avec cet énorme "no smoking" le ton est donné. Il va falloir être au garde-à-vous là dedans!

Et comme nous sommes tout petits, le copain (enfin le matelot qui l'est devenu ensuite) est venu mesurer pour voir si nous pouvions loger sur la petite plateforme aux premières loges en haut sans être penchés (c'est mieux pour dormir!), et bingo, la place a été conçue pour nous!
Nous ne pouvions rêver mieux, nous allons avoir une magnifique vue panoramique et ne seront pas coincés entre les gros trucks qui embarquent à notre suite du coup.



Le matelot est resté un grand moment à discuter avec nous pendant que la ribambelle des autres véhicules prenait place dans les rangs. Il nous a posé beaucoup de questions sur la France et nous pouvions les lui retourner pour faire un comparatif. Il nous a dit qu'ici au Mexique, quelqu'un qui a fait des années d'études peut espérer avoir un salaire de l'ordre de 600 à 700€ par mois. Et en ce qui le concerne lui, il fait les traversées sur le ferry pendant 3 mois d'affilée, tous les jours et il peut ensuite rentrer chez lui pendant 1 mois avant de recommencer le même cycle. Nous en avons profité pour lui demander ce que nous étions autorisés à faire sur le bateau. La réponse a été claire et précise: "Sur ce bateau, tu peux faire tout ce que tu veux". Il a bien dit tout! Encore 1kg de peinture rouge de gâché pour peindre le No smoking!


Le camion Allemand qui lui a attendu sagement les 14h30 se retrouve coincé en sandwich entre 2 camions frigos, frigos qui vont tourner toute la nuit. D'ailleurs pas que, puisqu'il y a des camions qui eux n'ont pas éteints le moteur de toute la traversée. En même temps quand on voit des camions frigos qui sont couverts d'une simple bâche, il en faut de l'énergie pour garder au froid tiède ce qu'ils charrient. En tout cas, quel beau défaut que cette curiosité qui nous a permis d'être les premiers à bord et ainsi un peu mieux épargnés que les autres pour le bruit.

Puisque nous pouvons tout faire, nous en profitons pendant que les autres s'installent pour aller nous promener sur les ponts et les coursives. Cette traversée nous enchante par avance. Nous découvrons chaque recoin du bateau en sautillant comme des chevrettes qui découvrent un joli pré.

Une fois le tour du bateau fait, nous revenons nous installer aux avant-postes dans le fourgon, nous remonterons en haut du pont au moment de lever l'ancre.

Ce qui ne cesse de nous émerveiller depuis le début du voyage c'est qu'aucun hôtel ni aucune cabine ne pourraient bien souvent nous offrir la vue dont nous bénéficions à l'intérieur de notre maison comme en témoignent ci-dessous les panoramas depuis la baie vitrée et le pare-brise.



Nous regardons inlassablement le ballet des camions qui vont et viennent, ceux qui montent sur notre bateau, ceux qui vont plus loin, les remorques sans porteurs que les petits engins du port attellent pour les faire grimper à bord.
Vers 17h ça s'active dru devant nos yeux. Nous sommes aux premières loges pour regarder de près toutes les procédures pour désarrimer le bateau et remonter tous les cordages à bord.
Nous allons bientôt lever l'ancre, il est temps de rejoindre les ponts supérieurs pour profiter du départ.
Nous sommes tellement microscopiques que nous ne nous voyons pas là bas tout au fond, et pourtant nous sommes bien devant le grand camion blanc sur la gauche, avec une grande remorque toute seule sur notre droite, tranquilles dans notre coin, sans voir ce qui se passe au centre du pont..
Etant donné que tout nous est autorisé et que passer entre les camions relève d'être contorsionnistes, nous sortons par le fond, devant notre fourgon pour revenir vers les ponts en traversant la grande plateforme où tout le monde est garé.
Et là, stupeur, le seul camion en sens inverse sur la photo est un camion de transport d'animaux, en l’occurrence des chèvres. Tiens nous ne l'avions pas vu monter celui-là. Ceci dit nous ne l'avons peut être pas remarqué en tant que tel puisque les pauvres bêtes étaient entassées dans leur benne sous une bâche.
Ça c'est quelque chose de très frappant pour nous au Mexique, la façon dont les animaux sont pris en considération. Entre les chiens errants, les bestioles entassées dans des bennes, celles attachées au bout d'une mini corde pour éviter qu'elles s'en aillent..... Mais les cultures sont différentes, nous sommes chez eux après tout et n'avons pas notre mot à dire sur leurs pratiques, même si certaines nous choquent. Et ceci dit, il doit en être de même nous concernant, ils doivent se demander ce que nous bricolons pour promener notre chien au bout d'une laisse et pire encore lui chercher des croquettes spéciales.

Bon et bien, nous allons voyager avec ces pauvres chèvres. Ils en ont sorties 2 de la benne pour les attacher court avec un bout de ficelle sur le côté. Ça nous intrigue et voulons aller voir ça de plus près. En nous approchant, de concert, nous poussons un cri "oh merde", il y avait une troisième chèvre allongée par terre. Il n'y avait pas de doutes, elle n'était plus de ce monde. Nous pensons tout de suite que la pauvre bête n'a pas du supporter le trajet jusqu'au bateau. On se demande bien ce qu'ils vont en faire pendant la traversée, mais nos questionnements sont vite anéantis en continuant de s'approcher.

Et c'est là que la Croisière s'amuse se transforme en Evil dead... La chèvre n'est pas morte pendant le trajet, elle vient bien d'être assommée par les conducteurs du camion qui s'affairent déjà sur une de ses copines attachée par les pattes avec 2 bouts de ficelle au cul du camion. Son sang coule à l'intérieur d'une vieille glacière déposée sous sa tête. Nous avons l'impression de passer dans la 38ème dimension.
Nous détournons la tête et filons vite vers les passerelles, mais bien évidemment nous ne parvenons pas à nous détacher de ce qui se passe quelques mètres en dessous, en plein milieu de tout le monde. Nous sommes dans un autre monde, et cette traversée qui s'annonçait enchanteresse se transforme en questions qui tournent en boucle dans nos têtes.


Le bateau quitte le quai et nous allons tout de même regarder le paysage qui défile doucement avec le soleil couchant.




Au fond, la ville de La paz
Nous sommes vers les cuisines du bateau et nous voyons sortir un gars avec un énorme couteau qu'il vient d'emprunter au cuisinier.
Nous le suivons du regard, et encore une fois pas de doutes, il redescend près du camion où sont les chèvres. La seconde est maintenant elle aussi pendue par les pattes. La découpe pour sortir leurs entrailles va pouvoir commencer. Nous sommes complètement interloqués. Et surtout de voir les 2 autres chèvres attachées à leur bout de ficelle qui voient ce qui se passe et qui doivent d'ores et déjà connaître le sort qui leur est réservé....

Nous essayons de nous détacher de ces images, nous ne pouvons quoi qu'il en soit rien faire, et nous rendons dans la salle pour le dîner où une grande partie des mexicains sont déjà attablés. Le garçon de service, sympathique comme une porte de prison fermée à quadruple tour nous installe chacun à une table différente. Nous voilà bien barrés! Un gentil chauffeur routier assis en face de Monsieur Babzouk me cède sa place et nous nous retrouvons au final une table entière avec les autres passagers touristes comme nous.
Le repas du soir est une soupe avec de la viande, des tortillas et une boisson rouge dont personne n'a compris ce que c'était et vue l'amabilité du gaillard de service, personne n'a redemandé!
Le bouillon de la soupe était très bon, mais en ce qui me concerne, je n'ai pas touché à la viande.....vous vous demandez pourquoi? Non hein!


Nous sommes redescendus, et là je ne me suis pas faite prier pour faire l'acrobate en passant le long de la rambarde, contre les camions pour rejoindre notre home sweet home. Il faisait déjà nuit noire et les 2 chèvres, carcasses ouvertes pendaient béatement à l'arrière de leur camion sans plus personne autour.....
Nous nous sommes demandés si les conducteurs du camion se faisaient leur pourboire comme ça, en soustrayant des bêtes de leur chargement ni vu ni connu (enfin pas pour tout le monde!) avant d'arriver à leur point de chute.... Nous n'en saurons rien!

Nous avons passé une très bonne nuit, la mer était calme et nous étions à peine bercés par le bateau.

Au réveil, nous sommes restés un bon moment accoudés à la rambarde à côté du fourgon à regarder les dauphins, les baleines et les oiseaux marins dans leur danse qui étaient assez près de nous pour que nous puissions les observer.

Et rebelote pour arriver jusqu'au petit-déjeuner, je me suis faufilée tant bien que mal contre les camions, plutôt mal d'ailleurs puisque ma tong a glissé sur un rebord mouillé et je me suis retrouvée par terre, la jambe couverte d'une espèce de graisse noire, il a fallu que je me décrasse au liquide vaisselle! Quelle croisière!




Et comme si tout cela n'était pas suffisant, il y avait une remorque sans porteur qui était à proximité des escaliers pour monter dans les coursives, remorque recouverte d'une bâche sous laquelle s'écoulait avec la chaleur un liquide un peu rougeâtre (du sang???) et qui dégageait une odeur pestilentielle. Obnubilés par les chèvres hier soir, nous n'y avions pas prêté garde. Mais là impossible de passer au travers, il fallait slalomer en retenant sa respiration pour éviter les longues coulées au sol. Nous ne voulions pas savoir ce qui se cachait sous la bâche. Restent au Mexique les us, coutumes, faits et gestes!
Décidément, ce bateau ultra nickel lorsque nous sommes montés se retrouve être le bateau de l'horreur et les pauvres gars de l'équipage vont avoir du pain sur la planche pour nettoyer tout ça, à moins que ce ne soit que très habituel lors des traversées.

Maintenant que le jour est levé, les bouchers improvisés peuvent tranquillement dépecer les 2 petites bêtes avant d'accoster. Le sort n'a pas été le même pour les 2 autres, toujours attachées vivantes à leur bout de ficelle.

Mais la vie continue son cours, nous regardons le soleil se lever depuis le pont supérieur et la terre approcher.


Nous regagnons le fourgon et  arrivons maintenant dans le port de Mazatlan après cette longue traversée qu'il nous faudra oublier en partie.




En toute logique, nous serons les derniers à descendre du bateau et c'est tant mieux pour les autres, il nous aura fallu l'aide des marins pour nous faire avancer pas à pas en glissant sous nos roues des cales pour éviter que le dessous du camion touche sur le rebord à la sortie du bateau. Les topes nous harcèlent de partout! 

La première chose à faire est de sortir Babzoukachien qui est restée bien courageuse sans mettre le nez dehors pendant toutes ces heures et gagnons notre point de chute dans cette ville pour la première nuit sur le continent.
Nous savons que nous n'y resterons pas et profitons de l'après-midi pour aller nous promener un peu vers la plage et discuter un bon moment avec un lifeguard qui nous a raconté toutes les grandes manifestations dans la ville (carnaval, semaine sainte, fête des motards) et comment se retrouve alors cette immense plage quand elle est investie ar des milliers de personnes.
Là en ce moment, cette immense plage bordée de grands hôtels (c'est d'ailleurs assez compliqué de trouver un accès, tous les hôtels se touchent) est immaculée est peuplée seulement de quelques promeneurs.


Et là c'est la ruelle d'accès à la plage, bien moins immaculée, non?


Nous ne sommes plus en France, à vous de nous dire si c'est mucho mas que internet!


Nous les avions baptisées Brindille et Paquerette, nous n'avons pas revu le camion mais pensons fort à elles devant chaque étal de bouchers....

1 commentaire:

  1. Coucou c'est SAMM
    Tu vas pouvoir publier un livre au retour c'est du travail de pro !
    Prête quasiment à te revoir dans une semaine et passer 5 jours inoubliables ensemble
    As tu whatsapp ?
    Bisous SAMM

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